Visite du tympan de la Madeleine

Depuis les travaux qui emmaillotent entièrement sa façade d’échafaudages et de bâches, l'entrée de la basilique se fait en empruntant le petit portail gauche par un long couloir traversant la totalité du narthex. À son extrémité intérieure, une porte permet d'accéder par des escaliers métalliques, sept mètres plus haut, au niveau du Christ en gloire.
Impressionnante rencontre ! Se trouver ainsi à sa hauteur, à quelques mètres seulement, permet de se rendre compte de sa majesté. De nouveaux détails apparaissent : la barbiche bouclée dont une partie a été détruite, les plis en spirales de la robe du personnage, d'inspiration byzantine (des artistes italiens ont été embauchés pour l'occasion), les couleurs, rouge, jaune, ocre qui ont été endommagées lors d'un moulage en plâtre effectué par Violet le duc, des inscriptions également, à présent à moitié effacées.
Tête à tête impressionnant avec le Christ, donc, tel a été mon sentiment premier. Le silence et la paix solitaire durant quelques minutes, avant que l'ensemble du groupe ne me rejoigne. Vu d'en bas, le Christ semblait vouloir descendre parmi les hommes pour les enseigner. Vu de cette hauteur, il devient un compagnon attentif. La proximité physique engendre une complicité amicale et favorise une spiritualité renforcée, la pierre dont il est issu contenant en elle-même un message d'espoir qu'elle diffuse encore aujourd'hui.
La grande figure, inscrite dans l'ovale mandorle, assise sur la Jérusalem céleste étend ses bras. De ses mains (dont l'une a été sectionnée par les révolutionnaires, honte à eux) partent des ondes mystiques (symbolisant l'ère du verseau ? ) qui abreuvent les apôtres, lesquels partiront enseigner les peuples de la terre. Son visage fermé (grêlé par une maladie inconnue de la pierre) semble impassible, mais c'est assurément un visage rappelant ici le Jésus terrestre et mortel. L'union du divin et de l'humain, avec sa chevelure descendant en cascade sur ses épaules et sa robe aux mille plis tourbillonnants, est ici incarnée en majesté. En gloire, dit-on, l'expression est bien heureuse ! Car il ne s'agit pas seulement ici de la naissance historique de l’Église mais bien de la persistance de l'action du Christ à travers les âges, il continue d'enseigner, d'inspirer et de conduire son troupeau. Son universalité est admirablement symbolisée par ces spirales qui me font irrésistiblement penser à des galaxies tournoyantes. Le Christ, ici, est vêtu non pas de tissu mais d'un univers entier…
La large auréole entourant sa tête est percée de petits trous formant un cercle qui devaient recevoir de petites perles de verres colorées, destinées à mettre en valeur le visage. Il ne reste que la pierre nue, celles-ci ayant disparu. De si près, on voit également des restes de couleurs rouge ou ocré, sur la jambe du Christ notamment. Ce que, pour ma part, je n'avais jamais perçu depuis le sol du narthex.
Autour du personnage principal et à ses pieds, se tiennent les apôtres. Tous ont un livre à la main, symbole de la Connaissance et du message révélé. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs perdus la tête (toujours les révolutionnaires) et c'est grâce à leurs auréoles qu'on peut tous les distinguer. Seul Saint-Pierre, fondateur de l’Église, est proche du Christ et se situe partiellement à l'intérieur de la mandorle. En plus d'un livre, il porte des clés symbole de sa prééminence parmi les apôtres.
Les échafaudages installés masquent certaines parties du tympan. On peut tout de même apercevoir les peuples du monde, représentés dans des sortes de carrés disposés en demi cercle, peuples que les apôtres iront évangéliser. Même les hommes difformes, malades ou à tête de chiens pourront trouver leur salut. C'est l'universalité du message délivré ici !
Puis sur le pourtour, les travaux de chaque saison se mêlent aux différents signes du zodiaque, la représentation de certains d'entre eux étant particulièrement mystérieuse. À noter, par exemple le scorpion à forme de chameau avec ses six pattes. À la fin de tous les signes, on trouve un homme portant une femme sur ses épaules qui symbolise la fin de l'année et le retour d'une nouvelle…
Tous ces détails se perçoivent davantage en raison de la proximité du spectateur, mais ce qui impressionne le plus, c'est la grandeur et la majesté du Christ qui s'impose au regard. On n'y voit plus seulement une pierre sculptée mais un personnage vivant qui ne demande qu'à s'animer. Par-delà les siècles, l'intention des bâtisseurs reste intacte malgré les aléas du temps et les nuisances des époques successives. L’Église reste toute puissante et son message universel. Le Christ est toujours là, présent au centre du monde (et dans le cœur des fidèles, à tout le moins), à l'instar de sa figure inscrite dans la mandorle de pierre…